Les fusillés.

14-18 les fusillés, Frédéric Mathieu

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En cette période de centenaire où la question des fusillés revient de manière lancinante et parfois "inquiétante" tant la volonté de certains de faire de tout individu jugé, condamné et exécuté par un tribunal militaire une victime de l'arbitraire de l'armée, victime dont la figure tend parfois à l'héroïsation en oubliant que si beaucoup furent exécutés pour des faits de bien peu de gravité eu égard à la sanction, d'autres le furent sûrement "à raison" et n'auraient pas face à un tribunal civil de la même période échappé à un tête-à-tête avec la Veuve; il ne peut-être que conseillé la lecture ou plutôt l'étude de la somme de Frédéric Mathieu, 14-18 les fusillés.

Dans son ouvrage, l'auteur commence par rappeler le fonctionnement de la justice militaire en temps de guerre, il rappelle également que c'est les années 1914 et 1917 qui furent celles où l'on exécuta le plus, c'est aussi celles où la situation militaire a pu parfois être la plus tendue pour nos armées. Il fait aussi le point sur les exécutions "sommaires" c'est-à-dire sans jugement mais sur la décision d'un officier et qui est immédiatement appliquée (comme ce fut le cas de 3 hommes exécutés dans la Somme pour avoir été pris à détrousser des cadavres allemands) ou encore lors d'un acte violent (comme pour cet officier qui pris d'un accès de folie sur le navire le transportant au front blessa et tua plusieurs de ses camarades avant d'être abattu).

On y découvrira aussi que les motifs pour ces exécutions sont finalement souvent les mêmes: des faits de droit commun (vol, viols, assassinat,...), des voies de fait sur supérieurs, des refus d'obéissance, des mutilations volontaires (ici la qualification de volontaire relevait de la seule analyse du médecin militaire examinant la blessure et certains furent prompts à l'appliquer, tel le médecin Buy responsable de fait de plusieurs exécutions), des abandons de poste et désertions parfois en état de récidive, des faits d'intelligence avec l'ennemi (comme ce fut le cas de capitaine Lefebvre), mutineries. On y relévera que souvent l'alcool voir l'alcoolisme furent des facteurs aggravants ou le déclencheur de l'engrenage qui conduira au poteau le condamné, que l'on condamne bien plus de troupiers et de caporaux que d'officiers (le cas Chapelant ou celui des lieutenants de Verdun ou encore du capitaine Wolff restent des exceptions).

A noter également que beaucoup de fusillés furent réhabilités de facto sinon de jure puisque leurs noms figurent sur les MAM de leurs communes.

 

Pour le 120 RI, régiment on relève sauf erreur de ma part 8 cas de fusillés:

BERTRAND Pierre Lucien exécuté le 10/11/1914 pour abandon de poste en présence de l'ennemi,

CARDON Georges Alexandre exécuté le 04/09/1914 motif inconnu,

FLANDRE Emile exécuté le 29/10/1914 pour abandon de poste et mutilation volontaire,

FROMONT Emile exécuté le 02/08/1915 motif inconnu,

LE GRUIEC Pierre abattu le 10/09/1916 lors d'une rebellion contre des supérieurs sur lesquels il a cherché à lancer des grenades,

LETURGEZ Ernest Auguste exécuté le 10/11/1914 pour abandon de poste en présence de l'ennemi,

MAGNIER Léon exécuté le 01/10/1914 pour abandon de poste et mutilation volontaire,

PARPAITE Henri exécuté le 09/09/1914 motif inconnu.

 

 

A la lecture de cet ouvrage ma conviction qui n'engage évidemment que moi est que s'il faut effectivement réhabiliter une grande partie de ces hommes, il conviendrait de le faire au cas par cas et non de façon collective comme le réclament certaines organisations et souvent avec des arguments discutables. J'ai pu ainsi entendre lors d'un débat auquel j'ai eu le (dé)plaisir d'assister que si le soldat Lagrée avait assassiné l'un de ses camarades et une femme pour les voler et faciliter sa désertion c'est que l'armée et son arbitraire l'y avait sûrement poussé... Pour conclure, réhabiliter oui mais sans que le sort malheureux des fusillés ne fasse oublier le courage de ceux qui sont restés à leurs postes et y ont laissé la vie.

 

"ne jamais oublier,toujours se souvenir"