Le 16 RIT à Roye le 09/09/1914

Il y a quelques temps, José Fransois nous contactait pour nous parler de son arrière-grand-père Paul Sulpice Bénys tombé chez nous à Roye le 09/09/1914. Nous vous livrons son histoire construite à partir du travail effectué par José et des informations tirées du JMO du 16 RIT, de son historique et de l'oeuvre de l'abbé Charles Calippe.

 

Paul Sulpice Bénys est né le 19/01/1877 à Saint-Christ-Briost dans la Somme. En 1899, il se marie avec Marie Maria Lecot (née le 19/03/1881). C'est à Falvy (près de Péronne)  d'où est originaire Marie Maria que le couple s'installe, en 1906 ils y résident toujours au 29 du Trou Picard. Durant cette période Paul travaille comme carrier dans l'entreprise Hadengue sise à Ennemain. Entre 1906 et 1907, la famille part s'installer dans la région parisienne, d'abord à Vitry-sur-Seine (8, rue de la Petite Faucille) puis à Ivry-sur-Seine (12 rue de la Seine). Durant cette période "parisienne", Paul travaille comme manoeuvre.

 

 

 

 

Le couple donne naissance à quatre enfants: Julien (1889), Lucien (1901 le grand-père de José), Raoul (1904)  et René (1908).

Paul, Marie et deux de leurs enfants à Ivry-sur-Seine.

 

Le 05/05/1912, Marie Maria meurt. Resté seul avec ses enfants, Paul part s'installer entre 1912 et 1914 dans la Manche à Granville, seul Lucien est du voyage avec son père. Les autres enfants restent à Ivry chez leur tante maternelle  Marie-Adrienne Ferlat.

Le 02/08/1914, Paul, alors âgé de 37 et père de 4 enfants, est mobilisé au 16 RIT encaserné à Péronne, à peine cinq semaines plus tard le 09/09 il trouvera la mort à Roye. Sur les circonstances de sa mort on peut se référer au JMO et à l'historique du régiment.

Le 08/09, un détachement comprenant 50 hommes du 16 RIT et 25 sapeurs divisionnaires avec l'appui d'une auto-mitrailleuse reçoit pour mission d'aller détruire la voie ferrée à Goyencourt  au Nord de Roye. Le lendemain, la troupe transportée par 8 véhicules automobiles est à pied-d'oeuvre. Arrivée sur place, elle va détruire 50 mètres de voie ferrée près du bois situé à l'Est de Goyencourt. Un peu avant 8 heures le commandant Renart qui dirige l'opération apprend par des habitants de Roye qu'un détachement allemand d'une douzaine d'hommes en occupe l'hôtel de ville. La troupe est alors divisée en deux groupes l'un aux ordres du lieutenant Rauscher, l'autre sous ceux du Commandant Renart qui prend la décision d'attaquer l'ennemi avec l'idée de faire des prisonniers. Sur place, nos braves territoriaux attaquent sur l'avant et l'arrière de l'hôtel de ville d'où part un feu bref mais intense. L'ennemi plus nombreux que prévu, le Commandant Renart l'estime à près de 50 hommes, résiste avec vigueur.

Le combat a fait 3 tués côté français selon le JMO: Paul Sulpice Bénys, Victor Hureau (né le 14/10/1875) à Saint Denis (93), et un 3ème homme encore non identifié, ainsi que 5 blessés. Les pertes ennemies sont estimées à 12 hommes. Au cours du combat, les hommes du 16 RIT qui sont pour la plupart déjà âgés  (pour l'époque) 37 ans pour Bénys et 39 pour Hureau se sont bien tenus au combat. Le commandant Renart indique que les hommes se sont bien comportés et fait préciser dans le JMO que "le Capitaine Chéz.(?) le Lieutenant Rauscher, le Sergent Lafont ont fait preuve de vigoureuses qualités militaires".

Contraint de laisser sur place un de ses hommes griévement touché, le Commandant Renart laisse, à l'attention de l'officier sanitaire allemand présent à Roye le message suivant: "Monsieur, obligé d'abandonner un de mes hommes grièvement blessé, je le confie à vos soins. Croyez que, le cas échéant, je ferai pour vous et les vôtres, ce que vous allez faire pour moi et l'un des miens".

D'après l'abbé Calippe, les faits évoqués sont survenus aux alentours de 10h00, il évoque la présence de 50 à 60 Allemands, bien plus que les 12 auxquels le Commandant Renart pensait devoir faire face lorsqu'il décide de lancer son coup de main.  Face à l'attaque française, les Allemands enverront les abbés Caron et Dégobert, réquisitionnés alors qu'ils célébraient un enterrement dans l'église Saint-Pierre (devant laquelle venait de s'arrêter un détachement d'ambulances allemandes), comme parlementaire aux Français en leur demandant d'insister sur la qualité de médecin-major de l'officier à la tête du détachement allemand (c'est sûrement cette information qui a incité les Français à laisser l'un des leurs aux bons soins de l'ennemi). Au moment où les abbés arrivent au niveau des Français ceux-ci occupent la route de Paris et l'arrière de l'hôtel de ville, les Allemands la rue Saint-Pierre et la place d'armes. Les "émissaires" expliquent aux hommes de Renart que les Allemands se disent tous médecins et infirmiers et que par conséquent on ne peut pas leur tirer dessus! Finalement, les Allemands décident de se retirer avec leurs véhicules sanitaires et l'abbé Caron comme otage et prennent la direction de Noyon, pendant ce temps les Français se retirent progressivement soucieux d'éviter d'être victimes d'une contre attaque ennemie, ennemis dont les abbés leur disent qu'ils sont au moins 200.

 

A défaut de photos de Paul Sulpice Bénys en uniforme, nous avons celle d'Auguste Prignon mobilisé à 42 ans au 16 RIT (il était de la classe 1892)  confié par Alain Prignon que nous remerçions chaleureusement.  Nous y voyons Auguste (sous la croix) dans une tranchée en 1914 sur le front de l'Yser aux environs de Dixmude. Il ne sera démobilisé qu'en 1919, à 47 ans et après avoir été un temps affecté au 4ème Zouaves (pour des raisons encore non élucidées). Après guerre, il reprendra le cours d'une vie tranquille, évoquant peu cette partie de sa vie même s'il fut le porte-drapeau d'une association d'anciens combattants.

 

Le 16 RIT sur le front de l'Yser en 1914.


Un grand merci à José, à   Alain et à Eric (AE80) pour nous avoir permis d'écrire ce court article en mémoire de tous ces territoriaux, hommes âgés souvent soutien de famille et envoyés au feu dans des conditions très difficiles (Lombaertdyze, Courcelles-le-Comte,...) alors même que leurs unités n'étaient pas l'objet du plus grand soin tant en formation qu'en équipements puisqu'elles n'étaient pas censées se retrouver au front, et pourtant les territoriaux furent de bien des combats des 1ères années de guerre et payèrent le lourd tribut du sang.

 

"NE JAMAIS OUBLIER, TOUJOURS SE SOUVENIR"