Ecrivains MPF dans le Santerre

 

 

                Le Santerre a vu s’affronter, souffrir et mourir des hommes venus des quatre coins du monde connu de 1914 à 1918. Parmi ces hommes, de nombreux « inconnus » seulement connus de dieu comme le  disent les Britanniques, mais aussi des individus à la renommée plus grande. Qui ne connait pas ou n’a pas entendu parler d’Alan Seegher, légionnaire et poète américain ? De John Kipling à qui son père avait dédié un texte magnifique sur les affres d’être un Homme ?

                Pour ces quelques noms combien de plus humbles, de moins connus des serviteurs de la  « République des lettres » sont tombés là « fauchés comme les blés mûrs » et jeunes ou moins jeunes n’ont pas eu le temps de donner la pleine mesure de leur talent ?

                C’est à ces hommes mais aussi à tous les autres : paysans et laboureurs, ouvriers et employés de bureau, séminaristes et élèves officiers que ces quelques lignes sont dédiées à travers l’exemple, l’exemplarité plutôt, de quelques uns.

« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie

Ont droit qu’à leur tombeau la foule vienne et prie »

                                                                                                                             Victor Hugo

               

                Né en 1882, Charles Bourcier très tôt effleuré par Calliope, écrit ses 1ers vers entre 1903 et 1904, de nature modeste il se refuse à leur publication en réservant la lecture à ses seuls proches et amis.

                En 1907, soucieux d’inscrire la poésie dans le quotidien ou bien le quotidien dans la poésie, il fonde la Chimère revue poétique et démocratique qui cherche à élever le poète à la fonction de porte-parole et de conscience morale de l’Humanité car  : « quand les cris du poète sont les cris de la foule, quand sa voix est la voix de tout un peuple et son âme la conscience de l’Humanité, alors le poète n’est jamais seul » , y pensait-il encore à ses mots lorsque souffla le vent mauvais de la guerre ? Sûrement, et alors mettant ses actes en accord avec ses mots, il rejoignit en août 1914 le 153ème RI. C’est le 25/09/1914 que l’homme de Lettres entrera dans l’Histoire.  Tôt ce matin-là, le 153ème est au repos à Bouchoir, à 5 heures du matin ordre est donné de faire mouvement vers la Chavatte via Parvillers-le-Quesnoy. C’est sur le château de la Chavatte que portera le gros d’une attaque violente menée à la baïonnette et qui coûtera au régiment près de 200 tués, officiers (capitaine Laurens, sous-lieutenants Cognard et Champougny)  et hommes de troupe. Charles, lui, sera porté disparu.

Chateau de la Chavatte avant la guerre.

 

                Le lendemain, c’est lors des combats de Champien que Jean Lelong, (Brezolles de son nom de plume) trouvera la mort de manière héroïque. Auteur de quelques lignes sur la guerre qui vient : « il nous fallait cela (…). L’âme française s’est durcie et rend un son mat de fer ; elle égale la légende  spartiate. Nous sommes nés dans le revers. Nous mourrons dans la victoire », Jean est né le 12/02/1884, pétri, à l’image d’un Charles Péguy, de la grandeur nationale et du sens du devoir, il tombe au combat le 26/09/1914 à Champien dans les rangs du 101ème RI. Chantre de l’héroïsme français face à « l’ennemi héréditaire (…) esclaves lourds de bière, poussant des cris barbares, [venant] vers un peuple d’hommes libres », il mettra ses actes en accord avec ses mots se portant, ce jour-là, volontaire pour une liaison aux 1ères lignes, il y trouvera la mort. Soldat apprécié de ses camarades et de ses chefs, c’est pour lui donner une sépulture digne de son héroïsme que plusieurs de ses compagnons iront récupérer sa dépouille au prix de la vie de plusieurs des leurs. Hélas, le corps déposé à l’église de Champien disparaitra dans l’incendie de celle-ci.

                La date de décès de Jean Lelong est fixée au 26/09 dans l’anthologie des écrivains morts pour la France, sa fiche de décès porte la date du 25.

 

                Quelques jours plus tard, c’est à Saint-Mard que deux autres hommes de lettres en devenir allaient tomber victimes de leur héroïsme.

                Issu d’une longue lignée de soldats et d’officiers, Robert Drouin né le 06/04/1893 ne dérogera pas à la tradition familiale. En 1912, alors que la muse l’a déjà happé, il est l’auteur d’œuvres en vers et en prose,  il choisit de s’engager au 102ème RI, lui aussi fidèle à ses propres mots : «  Tout homme doit tendre à être honorable plutôt qu’à être honoré ». A la déclaration de guerre, Robert, malade et de santé fragile et refusant de faire jouer en sa faveur le grade d’officier de son père, obtient de partir au front et il traduit alors sa satisfaction par ses mots : « tant mieux, puisque le ciel rougit à l’Est, sautons sur nos fusils ! ». De Virton en Belgique au Santerre, il prend part à tous les combats de la frontière au début de la Course à la Mer. Le 15/09 il est blessé à une jambe par un obus de 77 allemand. Il obtiendra après une courte convalescence de rejoindre son unité. Le 30/09 ou le 01/10 (les sources divergent), le caporal Drouin, encore pansé, mène une contre-attaque de nuit pour reconnaître une tranchée nouvellement conquise par l’ennemi, au cours de l’opération il sera mortellement blessé. Son action lui vaudra d’être cité à l’ordre de l’armée en janvier 1915 : « A fait preuve d’audace et de sang-froid en allant reconnaître, le 1er octobre, à la tête de sa patrouille, des tranchées récemment occupée par l’ennemi ; a été grièvement blessé de trois balles au moment de l’assaut ». Tombé pour protéger le petit bourg de Saint-Mard de l’invasion, il y repose à jamais.

La tombe de R. Drouin à a sortie de Saint-Mard en direction de Laucourt.

Inhumé une 1ère fois par les Allemands, sa tombe fut d'abord anonyme...

... avant que le héros ne retrouve son nom. A noter la date retenue pour le décès qui diffère de celles déjà données!

 

                Le 01/10, c’est aussi ce jour-là que Maxime David inscrivit en lettres de sang son nom au Panthéon des écrivains sacrifiés à la guerre. Né en 1885, Maxime David voyait s’ouvrir à lui, alors que l’Europe  entrait dans sa veillée d’arme, une belle carrière à en croire ses maitres dont l’ethnologue et philosophe Marcel Mauss qui disait de maxime qu’il était «sur une grande voie (…) et marchant vers d’importantes  découvertes ». Intellectuel brillant, il s’était vu à la mobilisation assigné au dépôt du 102ème  pour y accueillir les nouveaux arrivants et suivre la formation devant faire de lui un chef. Fin septembre, à force d’insistance, il obtient de partir au front et télégraphie alors à son épouse « je pars très content ». C’est à Saint-Mard qu’il rejoint son unité durement éprouvée par les combats livrés précédemment à Champien. Arrivé tôt le matin, il est engagé le soir même contre les tranchées ennemies. Blessé au cours de l’assaut, il meurt le lendemain des suites de ses blessures.

 

                Plus âgé, Georges Treffel fera lui aussi l’ultime sacrifice. Né en 1873, il appartient à une génération élevée aux mâles accents de la Marseillaise, au roulement du tambour des parades et du pas rythmé des bataillons scolaires. Une génération dont les cartes de France, au mur des salles de classe, portent le deuil des provinces perdues en 1871. Esprit brillant, il est reçu 1er à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1893 avant de rejoindre la maison Larousse pour le compte de laquelle il publie de brillants articles. En juin 14, il publie une réflexion sur la guerre des Balkans, là où ironie du sort se jouera le drame qui vaudra à Treffel d’offrir sa vie au dieu Mars ! A la déclaration de guerre, lieutenant de réserve, il rejoint le 338ème RI et demande malgré son âge et sa santé fragile à monter au feu. Début octobre, c’est au Quesnoy-en-Santerre  qu’il est blessé. Transporté à l’ambulance de Warvillers il est décédera le 03/11/1914 inspirant à l’un de ses condisciples ses vers :

 

« Hélas ! qui l’aurait dit, à te voir, dans nos salles,

Sur d’éternels travaux ton large front penché,

Que le sort te guettait, pour qu’un jour sous les balles,

Tu tombes, toi penseur, en bon soldat fauché »

 

                Comment ne pas penser en remontant le fil de la destiné de ces hommes à Charles Péguy lui écrivait : « Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles (…),heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ». Peut-être ont-ils tout simplement été moissonnés trop tôt tous ces hommes jeunes et moins jeunes, quelque soit leur nationalité… Combien de savoirs, de talents, de découvertes ainsi perdus ?

 

 

« Détachons nous des choses basses,

Plus haut mon âme, encore plus haut !

Ici-bas, sans cesse il nous faut

Souffrir de ce qui rampe et passe

[…]

Montons, montons vers le ciel pur ;

Elevons-nous à grands coups d’ailes,

Tendons aux beautés éternelles ;

Emplissons-nous les yeux d’azur »

                               Charles Bourcier, 1905.

 

En conclusion de ce "travail" et comme en épitaphe  une réflexion tirée du Précis de moral destiné au soldat du capitaine Massacrier, tombé à la Chavatte en octobre 14: "dans les plis du drapeau flottent les gloires, les désastres du passé, (...), les espérances de l'avenir".

 

 

UN TRES GRAND MERCI A DOMINIQUE RHETY  POUR SA GENTILLESSE ET SA DISPONIBILITE AINSI QU'A BERNARD LARQUETOU POUR SA REACTIVITE ET SA SERVIABILITE, SANS EUX CET ARTICLE N'AURAIT PU ETRE.

 

"NE JAMAIS OUBLIER, TOUJOURS SE SOUVENIR"