Compte-rendu de lecture

COMPTE-RENDU DE LECTURE

Aujourd'hui, avec Les galons noirs nous "inaugurons" une rubrique qui nous l'espèrons grandira chaque semaine avec un nouveau compte-rendu de lecture d'un ouvrage traitant de la Grande Guerre.

 

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Surtout connu pour son ouvrage sur L'agonie du Mont-Renaud Georges Gaudy, servant  au 57ème RI en a souvent narré l'épopée. Dans Les galons noirs, il semble s'intéresser davantage aux "tourments de l'âme" qu'ont pu connaître les soldats de la Grande Guerre. Pour ce faire, il y dresse le portrait du caporal Baris partagé entre la nécessité de faire son devoir, de veiller au bien-être de sa famille à laquelle il envoie dès qu'il peut l'argent que lui rapporte son artisanat de tranchée et le besoin d'être reconnu par ses pairs et ses supérieurs comme peut l'indiquer l'épisode du coup mené contre une tranchée allemande qu'il sait voué à l'échec et que pourtant il laissera faire au prix de la mort de plusieurs soldats dont il ira ensuite récupérer les corps entre les lignes au mépris du danger ce qui lui vaudra alors reconnaissance et promotion au rang de caporal. Fonction dont il sera relevé pour soupçon de complicité dans l'évasion de sept autres soldats coupables de pillage et voies de fait.

Les galons noirs évoque aussi le déchirement d'hommes devant faire leur devoir quelqu'en soit le prix tel que ce lieutenant abattant froidement son propre cousin refusant de monter au feu, ou encore la veulerie de certains chefs, ici un sergent simulant un malaise pour ne pas monter en ligne. Et bien sûr, à travers Baris lui-même, c'est les Joyeux des bat' d'Af', bataillons d'infanterie légère d'Afrique, qui sont au coeur de ce texte. Ces Zéphyrs, apparaissent ici dans toute leur ambivalence, lâches, violents et pillards comme les septs soldats arrêtés pour avoir volé des cantines d'officiers mais aussi héroïques et dévoués comme le sera Baris le caporal déchu qui ira mourir en quête de rachat pour laver l'affront de sa dégradation. 

Un petit livre, 222 pages pour l'édition 1930, au style alerte et enlevé qui se lit vite, qui se lit bien. 

 

 

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Né le 18 mai 1887, Ernst Wiechert était enseignant lors de l'entrée en guerre de son pays. Incorporé il sera blessé au combat et tira de son expérience un livre qu'il publiera en 1931, la grande permission, dans lequel on retrouve les thèmes récurrents de on oeuvre tels que le mysticisme et surtout l'attachement à la nature qu'il hérita de son père, un modeste garde-forestier. 

Dans ce livre, Wiechert raconte la guerre de l'escouade Karsten. On y trouve de nombreuses similitudes avec l'oeuvre de Erich-Maria Remarque: brutalité de l'appareil militaire à l'égard de jeunes engagés "volontaires" ici incarnée par le caporal Hasenbeim, force de la camaderie d'hommes soumis au même enfer et c'est bien ainsi qu'il faut lire le périple de Jean et Oberüber ramenant le corps de leur ami Percy à sa mère pour qu'il soit enterré en terre amie. On peut aussi y lire la volonté, envers et contre tout, de préserver l'humanité d'hommes condamnés à l'horreur du front et auxquels comme le demande la mère de l'un d'entre eux il conviendrait d'éviter toute flétrissure morale... La grande permission pose aussi la question de tous ces hommes revenus meurtris dans leur chair et dont le retour à la vie civile fut une souffrance supplémentaire. En effet, que deviendront Bonekamp le professeur de violon qui se cache de tous, à quoi servirait donc un violoniste dont la manche gauche reste vide ou encore Klaus qui aimait tant les promenades dans la paisible campagne d'avant guerre et qui se déplace désormais en chaise roulante!

Paru alors que le nazisme commençait son ascension, ce roman antimilitariste et pacifiste faisait de Wiechert un opposant naturel à Hitler, en 1938 Ernst sera brièvement interné à Buchenwald pour avoir dénoncé l'Anschluss. Sorti de camp grâce à son statut d'auteur reconnu, son oeuvre ne sera plus diffusée sous le 3ème Reich.

 

 

 

 

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Une fois n'est pas coutume, deux compte-rendus de lecture qui sont deux relatives déceptions. Le 1er Quatre de l'infanterie de E. Johannsen relate la guerre d'un groupe d'hommes en dépeignant toute l'horreur de la guerre, vision pessimiste de la guerre qui donnera lieu à une adaption cinématographique qui reste l'un des grands films pacifistes sur cette Der des Ders.

Le second Guerre est l'oeuvre de Ludwig Renn, de son vrai nom Arnold Vieth von Golssenau et qui prit pour nom d'écrivain celui de l'un des personnages de son roman. Roman très largement autobiographique construit sur les souvenirs de l'auteur. 

Pourquoi déception? Tout simplement, parce que je suis allé à la rencontre de ces oeuvres en historien soucieux d'y trouver des informations sur les combats de Moreuil-Morisel pour le 1er et ceux de Ham-Péronne pour le 2nd. En fait, ici les combats et les faits sont décrits de façon brutes, parfois évasives; les auteurs s'intéressent davantage au vécu des Hommes. Nul doute, qu'une seconde lecture m'apportera plus de satisfactions.

Point intéressant, les deux auteurs furent de farouches opposants au nazisme contraints à fuir l'Allemagne. L. Renn se joindra aux brigades internationales pendant la guerre civile espagnole, il sera un écrivain reconnu sous le régime communiste de la défunte RDA.

 

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Loin de l'image des cognes pourchassant les fuyards ou des pandores pendus à Verdun par des biffins leur reprochant d'être embusqués, les gendarmes et prévôts grâce à la somme de Louis Panel retrouvent enfin leur juste place dans l'histoire de la Grande Guerre. L'auteur balaye dans son ouvrage toute l'histoire de l'Arme depuis les préparatifs de la mobilisation jusqu'aux tentatives de "réhabilitation" d'hommes qui n'ont pas pu bénéficier du statut d'anciens combattants en 1918/1919 alors même que les prévôts passèrent de longs mois au front, qu'ils y furent blessés, capturés ou même tués! Utilement, L. Panel rappelle que les gendarmes des brigades frontalières furent souvent les 1ers à faire le coup de feu contre l'envahisseur, les troupes s'étant repliées de plusieurs kilomètres avant l'éclatement de la guerre pour éviter d'inutiles provocations.

L'ouvrage, pour le moins complet, nous présente l'organisation de l'Arme et les modifications de celle-ci, les difficultés de recrutement rencontrées mais aussi les difficultés matérielles des gendarmes et de leurs familles sans omettre de rappeler les interrogations d'hommes, des militaires de carrière, qui désireux de servir au front ont du batailler pour intégrer des unités combattantes alors même que les prévôts servant sous le feu ennemi pour réguler les mouvements de troupes n'étaient pas considérés comme UC.

Au total, un ouvrage à lire et qui remettra à plat certains a priori tenaces.